Feuille de route halieutique : une pêche moins carbonée n'est pas une pêche responsable
- La pêche artisanale est méprisée
- Une absence de conditionnalités pour le renouvellement de la flotte hauturière
- La propulsion à l'hydrogène n'est qu'une chimère, coûteuse et qui ne sera jamais réellement opérationnelle pour une décarbonation rapide.
La nouvelle feuille de route halieutique de la région Bretagne a fait l'objet d'un vote en session plénière au conseil régional de Bretagne vendredi 16 février dernier. Et ce, alors même que l'ensemble des acteurs du secteur n'ont pas été consultés et notamment les pêcheurs artisanaux et ligneurs ainsi que les associations environnementales, et les scientifiques.
"On risque de reproduire les mêmes erreurs que dans les années 1980 et 1990, quand on a subventionné cette flottille." Ken Kawahara, secrétaire général de l’association des Ligneurs de la pointe Bretagne
Pire, la pêche côtière n'est pas citée une seule fois dans le document de 112 pages ! Un "oubli", indique Daniel Cueff, le rapporteur de ce texte. Comment ne pas interpréter cet oubli comme un véritable aveu de mépris de toute une partie de ce secteur d'activité, représentant pourtant 75% des bateaux de pêche en Bretagne ? De plus, la feuille de route n'aborde pas la formation des marins aux enjeux de développement durable et rien n'est dit sur une répartition plus juste des quotas.
Le problème, c'est surtout de vouloir faire sauter un verrou européen mis en place pour lutter contre la surpêche, et qui interdit aux collectivités de financer des chalutiers avec l'argent du contribuable. La décarbonation de la flotte est le cheval de Troie des lobbies de la pêche pour engager ce grand bond de 20 ans en arrière. D'après Ken Kawahara, secrétaire général de l’association des Ligneurs de la pointe Bretagne, "on risque de reproduire les mêmes erreurs que dans les années 1980 et 1990, quand on a subventionné cette flottille." Certes, nous ne pouvons pas balayer de la main le financement du renouvellement de la flotte hauturière primordiale pour une grande partie du secteur d'activité. Mais le financement public de cette nouvelle flotte ne peut être au profit de nouveaux bateaux proches de ceux qui viennent de recevoir de l'argent public pour être détruits et sans conditions d'une évolution des capacités des navires et des pratiques de pêche.
La propulsion à l'hydrogène n'est qu'une chimère, coûteuse et qui ne sera jamais réellement opérationnelle pour une décarbonation rapide. Le chalut représente encore une part importante des modes de pêche et les transitions doivent être accompagnées pour réduire la part de cette technique dans l'effort de pêche mais aussi la transformer avec des engins plus sélectifs, plus légers consommant moins d'énergie. Les financements doivent être conditionnés au remplacement de navires certes moins émetteurs en gaz à effet de serre mais également moins lourds, moins gros et associés à des changements dans leurs pratiques de pêche.
Manon Galle, secrétaire régionale