Douarnenez. Projet de "renaturation" des Roches Blanches : Une fumisterie

- Depuis 2010, y vit une communauté autogérée qui expérimente un mode de vie ouvert sur la nature et sur l'autre.
- En août 2025, le site est mis aux enchères.
- La Maire de Douarnenez et le Président du Conseil départemental du Finistère refusent que les résident-es rachètent collectivement les lieux.
- L'histoire du logement social au Pays de Douarnenez, une petite histoire dans la grande histoire.
"Quand les droites départementale et municipale instrumentalisent l’écologie pour justifier la mise au pas sociale, nous ne sommes pas dupes !" Les Ecologistes du Pays de Douarnenez
Petit retour sur les faits
Laissé à l’abandon par son propriétaire depuis 2007, l’ancien centre de vacances des Roches Blanches abrite depuis 2010 une communauté autogérée de personnes qui y expérimentent un mode de vie ouvert sur la nature et vers les autres, l’accueil et la solidarité, le vivre ensemble, la décroissance et l'écologie en action, via le partage des tâches et des charges, la mise en commun des ressources, le réemploi des matériaux de construction, les ateliers d’artisanat partagés et l'élevage de chèvres en lactation continue (pour lequel, vues les spécificités du site, des baux environnementaux ont été conclus avec le département !).
En août dernier, apprenant la mise en vente aux enchères par le liquidateur judiciaire de l’ancien propriétaire, les résident-e-s des Roches Blanches lançaient un appel à la solidarité financière pour acquérir conjointement, via leur association « Le sens de la vis », ce lieu collectif et lui permettre de continuer à vivre..
Ils souhaitaient ainsi pouvoir poursuivre un projet de vie qui avait déjà accueilli, depuis 15 ans des centaines de personnes, pour quelques jours ou pour plus longtemps, restées douarnenistes ou reparties vers d’autres horizons, et qui avait souvent joué un rôle singulier de logement social pour des personnes en grande précarité, parfois orientées sur place par les services sociaux de Douarnenez qui n’avaient aucune autre solution à leur apporter.
Si la mise à prix était de 200 000 €, le montant final nécessaire risquait même d’être inférieur, tant les contraintes d’aménagement pesant sur le lieu étaient fortes.
Une affaire privée devenue publique
Et alors, ce qui était une affaire privée entre les résident-e-s et leurs soutiens éventuels et le mandataire chargé de la vente des lieux est devenu une affaire publique, suscitant la montée aux créneaux, d’abord de Jocelyne Poitevin, maire de Douarnenez, puis de Maël de Calan, Président du Conseil départemental du Finistère.La Maire de Douarnenez commence alors à proférer de nombreux mensonges sur la conformité du lieu et de ses habitant-es aux règles communes, notamment en matière d’assainissement et de collecte des ordures. De plus, reniant toute l’histoire du logement social à Douarnenez, et bien que vice-présidente chargée de l’action sociale au Conseil départemental, elle joint sa voix à celles qui condamnent le fait que des personnes trop pauvres à leur goût puissent continuer à bénéficier « d’une des plus belles vues sur la baie » sans être propriétaires du lieu. Et elle focalise son discours sur une absence de propriété, alors même que les résident-e-s et leurs soutiens s’organisent justement pour racheter collectivement le site. Par ailleurs, en prenant en charge eux-mêmes le maintien et la réfection de leur habitat, qui sans eux seraient sans doute totalement délabrés, avec des matériaux de récupération qui donnent parfois au site une image de chantier, les résidents des Roches Blanches renvoient aussi à un autre pan de l’histoire du logement à Douarnenez : quand le lotissement des Castors de Ploaré sortait de terre par l’action commune de ses futurs résidents. Mais, à l’époque, personne ne venait leur reprocher l’état du chantier en cours !
Madame Poitevin avoue cependant alors ne pas avoir les moyens d’empêcher la vente des Roches Blanches à ses résidents et leurs soutiens...
Et puis voilà que Maël de Calan se découvre de façon bien opportuniste une vocation écologiste. Et qu’à grands coups d’engins de chantiers, et d’explosifs pour en détruire les fondations, il veut raser un habitat social hébergeant une cinquantaine de personnes pour « renaturer » et « rendre aux Finistériens » la pointe de Leyée et un sentier côtier qui n’a jamais cessé d’être fréquenté, pas seulement par des Finistériens, grâce notamment à son entretien par des habitant-e-s des Roches Blanches, heureu-x-ses de partager la beauté du site. Pour cela, il fait voter en urgence par le Conseil départemental une somme de 500 000 euros d’argent public pour se rendre acquéreur des Roches Blanches aux enchères du tribunal de Quimper le 17 décembre prochain. Pour un bien qui, rappelons-le, était estimé au maximum à 200 000 € il y a quelques semaines...
A cette somme, il faudrait ajouter le coût de la démolition, largement supérieur à l’achat mais non budgété à ce jour, et celui de la construction des logements sociaux - mais à quelle échéance ? - pour la part importante des résidents pouvant y prétendre. Sans compter que le coût environnemental de la destruction des bâtiments peut s’avérer particulièrement délétère pour le site et la baie : circulation d’engins de chantier, bâtiments des années 1970, amiante potentiellement présente.
"Acheter les Roches Blanches pour les détruire au nom de l'écologie est une injure faite à l'écologie parce que la véritable écologie prend soin des humains dans leur milieu social et naturel. L’écologie ne joue pas la nature contre les humains, ni la division entre ces derniers, d'autant plus quand il s'agit, comme ici parfois, de personnes socialement vulnérables."
Or, ces bâtiments en eux-mêmes ne faisant pas partie des zones préemptables par le Département, l'achat lors de la vente aux enchères est donc un moyen simple, mais très coûteux pour le contribuable, d’en empêcher l’acquisition par la communauté des Roches Blanches et ses soutiens.
"Renaturer" devient ici une vaste fumisterie...
Quelle est l'intention du Président 29 et de la Maire? Pour revendre le site à perte dans deux ou trois ans, comme le manoir de Tréfeuntec ?
Et si Maël de Calan et Jocelyne Poitevin se sentent soudainement une vocation à la préservation de l’environnement au bénéfice de tou-te-s, pourquoi ne pas œuvrer pour forcer l'accès impossible au GR34 sur la propriété de Vincent Bolloré à Beig Meil ou encore aux Sables blancs où le GR passe sur la route ?
Pourquoi Maël de Calan, au lieu de se solidariser avec la loi Duplomb, ne profite-t-il pas de son rôle de président du Parc Naturel Marin d’Iroise pour faire respecter les restrictions d’épandage dans les 500m de protection conchylicole. Pourquoi préfère-t-il voter et faire voter systématiquement en faveur de dérogations aux interdictions d’épandage (10 fois en 2025) responsables de la prolifération des algues vertes qui ont rendu nos plages si souvent infréquentables cet été, au lieu de mettre en place une politique d’accompagnement à la réduction drastique des cheptels de porcs qui en sont responsables ?
Ou, à Douarnenez même, quelle est l’action prévue par Madame La Maire pour désenvaser et dépolluer l’anse de Pouldavid, dont les habitants attendent depuis si longtemps une action publique pour que cesse une situation sanitaire insupportable.Les vraies urgences sanitaires et environnementales ne manquent pas
Les exemples sont multiples, comme ceux soulignés par Hugues Tupin dans sa tribune, où la Commune et le Département pourraient plus utilement dépenser leur énergie et l’argent public en matière d’écologie et d’environnement. Mais ils s’en moquent ! Car ce que montrent ce vote en urgence du CD29 et l’ampleur des sommes en jeu, c’est, d’abord et surtout, une volonté d'expulsion et de mise au pas d’habitant-e-s qui expérimentent un autre modèle social. Il s’agit, à coups de désinformation pour susciter le conflit et la division, d’une guerre ouverte à la différence par "des braves gens qui n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux". Cela fait en outre redouter une casse sociale (comme celle à laquelle le CD29 s’emploie contre les bénéficiaires du RSA) alors que le département a la responsabilité de mettre en œuvre l'action sociale et de l'orienter vers le logement des personnes défavorisées.Cela n'a rien à voir avec l'écologie
Nous avons actuellement aux Roches Blanches un projet de vie en communauté existant, un lieu qui fonctionne même si, comme toute entreprise humaine, il est sans doute perfectible. Rappelons-le, il s’agit d’habitant-e-s de Douarnenez qui ne portent de tort à personne et ne demandaient rien à personne, hors le soutien de leurs amis.
Peut-être y aurait-il, pour dégonfler bien des baudruches et des fantasmes et apaiser les passions, à approfondir les liens déjà tissés entre cette communauté des Roches Blanches et l’ensemble des Douarnenistes de bonne volonté. Mais ce chemin de dialogue devra être trouvé en accord avec toutes les personnes concernées et, compte tenu des spécificités du site, devra associer les différents partenaires de protection de l'environnement comme le Conservatoire du Littoral.
Nous sommes en tout cas, en tant qu’écologistes, pleinement déterminé-e-s à y contribuer.