Les méfaits de l'agrobusiness en Bretagne: une rencontre avec Nicolas Legendre
- La rencontre a eu lieu mardi 27 février 2024 à 20h à Montfort sur Meu, salle des Disous
Salle comble à la salle des Disous à Montfort-sur-Meu mardi 27 février 2024 où plus de 70 adhérent·es et non-adhérent·es, certain·es venu·es de Rennes, de Vannes ou de St-Brieuc, ont participé à une rencontre avec le journaliste Nicolas Legendre, lauréat du prix Albert Londres 2023, autour de son ouvrage d’enquête sur l’agro-business en Bretagne, Silence dans les champs (Arthaud). Organisé par le Groupe local Sud et Ouest de Rennes, l’événement fut animé par Claire Desmares, conseillère régionale EELV.
Retraçant les origines de son enquête, le journaliste a nourri la réflexion du public d’un véritable cours d’histoire, plongeant dans le passé d’un corporatisme agrarien breton pour éclairer l’actualité et le modèle productiviste dominant d’aujourd’hui. La discussion a également mis en lumière la manière dont l’agroécologie, qui semblait monter en puissance jusque dans les années 2010, connaît un cran d’arrêt brutal depuis les crises multiples de la COVID et de la guerre en Ukraine, avec notamment la contre-offensive opportuniste menée par le système agro-industriel, et la récupération par la droite extrême de la notion de « souveraineté alimentaire ». Ce concept, mis en avant à l’origine par le mouvement paysan international Via Campesina lors du Sommet de l'alimentation organisé par l'Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture à Rome en 1996, est aujourd’hui détourné pour justifier une agriculture productiviste sous prétexte que, comme la presse économique le souligne, la France importe aujourd’hui 50% de ses fruits et légumes et aurait donc besoin d’intensifier sa production – sans pour autant mettre ce chiffre en regard des 84,1 milliards d'euros de produits agricoles et agroalimentaires exportés (en 2022).
Un nouveau remembrement est nécessaire pour reconstruire le bocage breton.
L’auteur de L’Himalaya breton est également revenu sur le paysage de son enfance, fruit d’une construction humaine multiséculaire, qui a subi le remembrement pour la mise en œuvre de l’agriculture industrielle. Selon lui, un changement de modèle agricole vers l’agroécologie nécessiterait un « nouveau remembrement » pour reconstruire le bocage afin de rétablir la biodiversité et lutter contre l’assèchement des terres. Un nouveau remembrement qui, comme le précédent, pourrait être soutenu par des politiques publiques.
A la fin de la discussion, le public a pu poser quelques questions au journaliste. Plusieurs ont tourné autour de la question de l’obsession de la productivité : ne serait-elle pas à la racine des problèmes du monde agricole ? Michèle Baudoin, Présidente de l’association Les Colocaterre, s'est demandé si le problème ne venait pas avant tout de l'exigence de compétitivité. Une autre agriculture, moins « productiviste », est-elle possible ?
Le témoignage d’une agricultrice bio et accompagnatrice de projets agroécologiques a esquissé un début de réponse : de nombreux exemples locaux d'agroécologie fonctionnent, l'agriculture peut être écologique tout en gardant une exigence productive. Enfin, face à la colère et la détresse du monde agricole avec ses "petites retraites", « comment parler aux agriculteurs aujourd'hui quand on est écolo ? » s’est demandée Gaëlle Rougier, élue et 2ème adjointe déléguée à l’Éducation de la Ville de Rennes.
La rencontre s’est terminée par un pot amical autour de jus de pomme et de cidre bio de producteurs locaux.
Maria Tang